samedi 16 avril 2011

Vocabulaire

Une fois n'est pas coutume, je suis en train de regarder la télévision. Je l'allume d'habitude seulement lorsqu'il y a un film que j'aime. Le reste du temps, je ne supporte pas tellement les programmes. C'est pour la même raison que je lis peu les journaux : trop déprimant.

Comme la grande majorité des journalistes, les gens de télévision parlent un français douteux. J'ai toujours été d'une nullité crasse en orthographe, alors si je suis dérangée par les fautes, c'est que le niveau doit être bien bas.

S'il y a bien une chose que je déteste, ce sont les néologismes utilisés pour faire chouette, et donner un nom de slogan publicitaire à une idée. Même le terme de "bien-pensance" qui est employé par la plupart de mes commentateurs préférés me fait grimacer.

J'ai tendance à penser que plus une personne utilise ce genre d'expressions, moins le contenu est intéressant. Je l'ai encore remarqué ce soir. Ceci étant dit, ce n'est qu'une coquetterie de ma part : rien qui soit bien important.

J'ai vu Edwy Plenel à la télévision, avec Eric Zemmour (partant de là, il doit être facile d'identifier devant quelle émission j'étais, et à quelle heure, alors que je devrais réviser mes partiels).

C'est la deuxième fois que je vois Edwy Plenel à la télévision, et à chaque fois, j'ai eu l'impression d'un mépris incroyable de sa part. Eric Zemmour, qui est beaucoup plus acerbe dans ses critiques, par exemple, est à mon avis beaucoup plus respectueux que Mr Plenel.

Une autre chose qui m'a marquée est la constance avec laquelle Mr Plenel revient à ses références. Il y a d'une part l'éloge de l'immigration, et d'autre part la critique du capitalisme. Avec Edwy Plenel, tout sujet, n'importe lequel, peut donner lieu à l'un ou l'autre : c'est toujours la même chanson. Je n'ai jamais vu quelqu'un se répéter à ce point (en dehors des politiques, mais je commence à croire que c'est leur métier).


A l'origine, je devais poster un article sur un tout autre sujet. J'ai entendu parler d'une proposition de loi quelconque, et pour la première fois, je me suis intéressée au terme "proposition".

Il aurait fallu y penser l'an dernier, en première année, j'aurais eu un excellent constitutionnaliste sous la main pour me répondre. Le gouvernement élabore des projets de loi, et le parlement des propositions. Le parlement se contente-t-il de proposer ? Le gouvernement a-t-il le monopole de la capacité à se projeter dans l'avenir, à élaborer de véritables projets ?

Il faudrait sans doute un constitutionnaliste expérimenté pour répondre à ces questions. M'étant orientée vers le droit privé, malheureusement au détriment du droit public et de l'histoire, je suis bien incapable d'y répondre.

Je me suis demandée si le terme venait de la Vème république (ce doit être Plenel, à force de la critiquer, j'y repense) et de sa Constitution au service de l'exécutif. En fait, le terme était déjà présent dans la Constitution de la IVème république, mais je n'ai pas de constitution plus ancienne dans ma bibliothèque.

En tout cas, je suis tombée sur un article de la Constitution de 1946 qui attribue au Parlement seul le pouvoir de voter les lois. Amusant à mettre en perspective avec la pratique actuelle, entre l'exécutif qui prend des ordonnances et l'UE qui prend des directives.

Je ne suis absolument pas publiciste, alors mon avis sur la question n'est peut-être pas très enrichissant, mais ce n'est pas pour autant que je n'en ai pas. Je suis plutôt de l'avis de ceux qui estiment que le Parlement devrait mettre de côté son rôle de législateur pour s'attacher surtout à son rôle de contrôle. Il me semble qu'il pourrait redevenir de cette manière un véritable poids politique...?

D'après mes maigres souvenirs d'une conférence passionnante avec le constitutionnaliste Mr Gicquel, ce n'est pas prêt d'arriver.

Je ne suis pas une grande amoureuse de la démocratie. Comme le dit Mr Plenel, c'est un système qui peut mettre à la tête du pays n'importe qui. Toutefois, la construction de la démocratie en France me fascine. L'étude des contre-pouvoirs et, plus généralement, des systèmes que les hommes ont pu tenter de mettre en place pour contrer leur propre ambition, puis l'ingéniosité que les suivants ont déployé pour contourner ces systèmes : je pourrais lire à ce sujet des heures durant. D'ailleurs c'est ce à quoi je consacre mes vacances.




Mes félicitations à l'invité qui a enchaîné grossièretés sur grossièretés (en ayant au moins la dignité de le reconnaître). C'est pour ce genre de raisons que la télévision ne sert chez moi qu'à regarder des films.

mardi 8 mars 2011

L'avis des jeunes

Plus le temps passe, plus j'ai l'impression que la nouvelle génération est beaucoup plus "raciste" que les deux précédentes. Je mets le mot racisme entre guillemets, puisque justement, la définition du racisme change selon les générations.

Quelles que soient les opinions politiques, la couleur de peau, et le milieu social, tous les amis de mon âge ou presque s'accordent à dire qu'il y a des quartiers à Rennes où on ne peut pas trainer quand on n'a pas la bonne couleur de peau ou qu'on a le malheur d'être une demoiselle. Ces quartiers sont habités par des communautés à l'origine bien précise. Ce n'est un secret pour personne.

Et encore, Rennes est une ville très calme, avec très peu d'insécurité. Pourtant, les quartiers où il ne faut pas être seule le soir sont plus nombreux que ceux où on peut l'être en toute sécurité. C'est une réalité, et tous les jeunes de mon âge, sauf ceux qui ne sortent pas vraiment de leur cocon protecteur, le savent.

Les socialistes que je connais (certains ont la carte du parti, d'ailleurs) ont une définition du racisme totalement différente de celle des plus âgés. Ils ne sont pas choqués par les propos d'Eric Zemmour, par exemple, et ils admettent qu'il y a un problème avec l'immigration. La différence avec la droite, c'est qu'ils ne pensent pas qu'on puisse résoudre le problème en réduisant l'immigration.

Je ne connais aucun jeune de mon âge qui pense qu'il n'y ait aucun problème avec l'immigration en France.

Je ne connais aucune fille de mon âge qui ne change pas de trottoir en voyant un noir ou un arabe mal habillé, après onze heures du soir. En revanche, les personnes de l'âge de mes parents ont du mal à croire qu'une telle méfiance soit possible. Pour eux, ces problèmes n'existent pas : pour les jeunes qui habitent au centre-ville et qui sortent le soir, c'est une réalité, malgré la tranquillité de la ville.

Je fréquente peut-être des personnes particulièrement racistes, mais la différence d'opinion avec ce qui est exprimé publiquement devient flagrante.

samedi 19 février 2011

Ce débat n'est pas très terroir

Un petit billet rapide sur la désormais célèbre phrase à propos du Président du FMI.

Je suis sidérée par le nombre de personnalités qui voient dans ces propos l'ombre de l'antisémitisme. Je me figure régulièrement que je me fais des idées, que la situation n'est pas aussi dramatique que certains veulent nous le faire croire, et que la liberté d'expression a encore de beaux jours devant elle.

J'ai lu, lu, et relu la petite phrase à l'origine de toute cette "polémique" (mot très à la mode dans ce genre de circonstances) et je ne vois toujours pas comment on peut lui reprocher d'être antisémite.

Le plus perturbant, c'est que les commentateurs que j'ai entendu sur le sujet semblent tous d'accord. Il est, apparemment, "évident" que les propos tenus à propos du peut-être futur candidat à la présidentielle sont antisémites. J'ai de plus en plus de mal à suivre.

Ce pays est parfois étrange.

Discriminons, puisqu'eux ne peuvent plus le faire

« Ce qu’il y a eu, c’est un rappel à la loi. Il ne pourra plus continuer à tenir des propos visant à cibler certaines populations »

Ces propos ont été tenus par l'avocat de S.O.S. Racisme à la suite de la condamnation de Mr Zemmour. Je passe rapidement sur le ridicule profond de cette petite phrase : si les médias ne peuvent plus continuer à tenir des propos ciblant certaines catégories de population, ils ne vont plus parler de grand chose.

Je ne suis pas une personne qui accorde beaucoup de crédit à l'émotion. L'émotion ne sert pas à résoudre les problèmes ; elle les complique.

Or, il me semble que dès qu'il y a une accusation de racisme quelque part, c'est l'émotion qui prend le dessus. On nous rappelle les horreurs du passé, les risques de dérapage, et j'en passe. Il n'y a pas moyen d'avoir une conversation dépassionnée à ce sujet.

D'ailleurs, le fait même de comparer les races entre elles est tabou.

Oui, je parle bien de races. Les textes protégeant nos libertés fondamentales, et interdisant le racisme, parlent bien de discriminations basées sur "la race". La loi elle-même y fait référence ; on a le droit de parler de races lorsqu'on parle du genre humain.

Impossible de dire que le quotient intellectuel d'un Malien est, en moyenne, très nettement inférieur à celui d'un français. Pourtant, c'est une vérité qu'il ne faut pas aller chercher très loin : il existe un peu partout des classements des pays selon le quotient intellectuel moyen de leurs habitants.

En revanche, il est parfaitement acceptable d'affirmer que les Africains sont en général plus doués à la course que les français, par exemple. Cette incohérence m'intrigue.

Pourquoi ne pourrait-on pas parler librement de races ? Pourquoi, en prononçant ce mot, s'attire-t-on aussitôt les foudres des commentateurs ?

Même sans affirmer quoi que ce soit, impossible d'aborder le sujet. J'adore parler de politique et de droit avec ma famille ou mes amis, au point de les ennuyer de temps à autre. Pas une fois je n'ai réussi à avoir une conversation constructive à propos des races : il y a une véritable intolérance vis-à-vis de cette question.

On m'a dit qu'il fallait empêcher que les événements des heures les plus sombres de notre histoire (un grand classique) ne se reproduisent à cause des propos nauséabonds (un autre grand classique) d'une partie de la population française. Cette explication semble valable, mais elle n'explique pas l'ampleur de l'acharnement. Ni les pouvoirs mis à disposition de ceux qui veulent absolument que toutes nos paroles sentent bon la rose.

Même sans analyser l'histoire, il parait évident que, si la bête nauséabonde ressurgit, elle ne le fera pas sous la même forme qu'il y a quelques décennies. On attend tellement le racisme au tournant que je ne vois pas vraiment quelles victimes il pourrait faire. En revanche, les forcenés de la diversité, c'est autre chose.


Pour en revenir à Mr Zemmour, je suis consternée par cette condamnation. Je ne vais pas vous faire l'affront d'expliquer pourquoi ce genre de jugements peut être dangereux pour la liberté d'expression.

Ceci étant dit, il me semble que le procureur de la république a insisté sur le fait que Mr Zemmour soit un homme public, assez influent. Je cite : "un trublion". Cela a sans doute joué dans la condamnation : on envisage assez mal un tel jugement pour un particulier, ou un autre homme de télévision à la réputation différente. Du moins je l'espère.

Voilà, résultat : on se retrouve à espérer que cette condamnation soit un cas particulier, et qu'il ne faille pas en tirer de conclusion trop générales sur le sort qui est fait à la liberté d'expression dans nos tribunaux.

Mr Zemmour a été condamné pour avoir présenté comme licite une pratique illicite (la discrimination à l'embauche). D'une part, je ne vois absolument pas en quoi ses propos étaient racistes, discriminatoires, ni en quoi ils incitaient à la haine raciale. D'autre part, je ne comprends pas ce qu'il y a de condamnable (du point de vue de la loi) dans le fait de chercher à justifier une pratique illégale : il ne s'agit que d'une opinion.

Là encore, je ne cherche pas à refaire le procès, mais plutôt à me placer du point de vue de la morale, qui bien entendu diffère de temps à autre de la position adoptée par notre droit.

Le fait que la plupart des trafiquants de drogue soient noirs et arabes ? C'est un fait. Au delà de toute réflexion sur le racisme qu'il pourrait y avoir dans ces propos, si les tribunaux commencent à condamner les journalistes pour avoir rappelé des faits, c'est que ça va mal.

La discrimination à l'embauche ? Ce n'est pas formidable pour un journaliste de présenter comme normale une pratique illégale, certes. En quoi est-ce une incitation à la haine raciale ?

D'ailleurs, il est absurde que les grands défenseurs de la liberté et de l'égalité se réjouissent de ce jugement : il ne fait du bien ni à l'une ni à l'autre.

jeudi 10 février 2011

Terminologie

"La peine de mort, chez nous ? Voyons, nous sommes en démocratie !"


Commentaire entendu sur une célèbre chaîne de télévision. Suivant cette logique, les Etats-unis ne sont pas vraiment démocratiques ; c'est incroyable tout ce qu'on met sur le dos de la démocratie.

La démocratie est le gouvernement du peuple par le peuple. Cela suppose une identification des gouvernants et des gouvernés. La démocratie est un régime dans lequel les citoyens possèdent à l'égard du pouvoir un droit de participation, le vote, et un droit de contestation, la liberté d'opposition.

La démocratie n'est rien d'autre que cela. Partout où il y a des gouvernés qui choisissent leurs gouvernants par vote, et qui possèdent un droit d'opposition, il y a démocratie. C'est un peu triste d'entendre des politiciens agiter le concept de démocratie comme s'il s'agissait d'un mot magique capable de faire plaisir au peuple.

Comme si de la démocratie découlaient forcément des mesures justes. Comme si la démocratie protégeait des horreurs. C'est loin d'être le cas : la démocratie peut paralyser un pays, sans parler des morts qu'elle a sur la conscience.

Je n'ai vraiment rien contre la démocratie. En revanche, que ce terme soit utilisé autrement que pour décrire un mécanisme de droit constitutionnel m'agace.

samedi 5 février 2011

Syndicaliste en devenir

Billet un petit peu personnel.

L'autre jour, j'ai retrouvé sur les bancs de l'université une vieille connaissance. Au lycée, il s'agissait d'un garçon calme, un peu timide, et raisonnable. J'ai donc été plutôt surprise de le voir, entre deux cours, descendre vers l'estrade de l'amphithéâtre et emprunter son micro au professeur. Il a annoncé être engagé politiquement et faire partie d'un syndicat d'étudiants dont je tairais le nom, mais qui a déjà fait preuve de médiocrité dans notre université à plusieurs reprises.

Il venait nous alerter d'une tragédie qui, alors que nous absorbions tranquillement des pages et des pages de connaissances, se préparait à frapper les étudiants de première année. Dans l'ombre des bureaux de l'université se préparait un plan machiavélique pour réduire encore davantage le taux de réussite dans l'année maudite, que redoutent tous les étudiants, la première année de licence de droit.

Le plan démoniaque était le suivant : supprimer purement et simplement les cessions de rattrapage en première année. Oui ! Ils avaient osé. Cette idée horrible ne pouvait être que l'oeuvre de professeurs haineux, jaloux de notre jeunesse, et trop paresseux pour passer quelques semaines supplémentaires à corriger nos copies.

Le sort de l'université se trouvait entre nos mains. Il nous fallait, tous, le plus tôt possible, nous connecter sur le site web de l'université afin de participer à un sondage, afin de répondre tous non, ensemble, solidairement, à ce projet démoniaque de nos professeurs.

J'exagère à peine.

En me connectant, quelques temps plus tard, j'ai découvert le sondage en question dans ma boîte mail. On nous proposait en effet de voter pour ou contre une proposition, visant, je cite, à "diminuer le taux d'échec en première année".

Le but de la proposition était de faire passer, dans toutes les matières (et non plus seulement dans deux matières) des contrôles continus veillant à contrôler régulièrement l'état des connaissances et à distribuer des points faciles à gagner pour les élèves apprenant leurs cours. L'examen terminal serait reculé de plusieurs semaines, allégeant l'emploi du temps, et offrant aux étudiants une plus longue période de révisions.

En contre-partie, la session de rattrapage serait supprimée, puisqu'elle ne permettait qu'à très peu d'étudiants de remonter suffisamment leurs notes (en effet, ce n'est pas en une semaine qu'on apprend l'intégralité du droit de la famille, par exemple).


J'ai la désagréable sensation de m'être fait avoir. Je ne sais pas si ce garçon, qui était un très bon camarade de lycée, est devenu de lui-même un militant, ou si le syndicat dont il est membre l'a poussé sur la mauvaise pente.

Le pire, c'est qu'il s'agit d'un garçon intelligent, ou en tout cas très vif d'esprit. Il est bon orateur, plutôt doué en cours, et je m'attendais franchement à autre chose de sa part qu'à un discours aveugle (ou manipulateur ?) et partial.

La conclusion à en tirer est probablement qu'entrer en politique revient souvent à s'acheter des oeillères. Moyennant quoi, les hommes dont nous avons peut-être le plus besoin sont ceux qui ne s'engageront jamais sur la scène publique.

jeudi 3 février 2011

Bulletin de vote

Sincèrement, certains jours, j'hésite. Je dois dire que ce petit bulletin m'amuse. (Il vient de chez h16.)



Je n'aime pas les insultes, surtout lorsqu'il s'agit de politique. Je suis du même avis que ces juristes qui pensent que le discours politique doit être dépassionné pour être réellement utile au citoyen.

Ceci dit, le discours politique, à quelques exceptions près, est déjà totalement passionné : plus personne n'écoute vraiment ceux qui utilisent la raison pour convaincre le public.

Si je vote, ce sera pour Mme Le Pen, puisqu'elle est la seule à utiliser un discours un tant soit peu dépassionné et à avoir des idées qui ressemblent vaguement aux miennes. Elle a aussi beaucoup d'opinions qui ne sont absolument pas les miennes.

Je pense aussi que la seule manière de vraiment atteindre nos politicien est d'utiliser des moyens un minimum percutants. Je ne suis pas sûre que ce bulletin de vote en fasse partie, sauf peut-être utilisé à très grande ampleur.

mardi 25 janvier 2011

Euthanasie

J'ai entendu ce matin à la radio le témoignage d'une femme dont je tairais le nom.

Elle était présentée comme une femme ayant, je cite, "aidé son fils à mourir". Elle disait que l'état de son fils lui permettait de vivre longtemps encore, qu'elle n'aurait pas eu la force de l'affamer, et qu'il fallait donc un "acte positif".

Cette dame a très peu épilogué sur le sujet, et la suite de l'interview a été consacrée à son "combat" pour un "progrès" en  la matière, afin que le droit à la mort soit "enfin reconnu". Elle espérait ne pas "devoir attendre trente ans, comme pour l'avortement".

Pourquoi, à l'approche d'un débat sur l'euthanasie au Sénat, nous ressort-on un témoignage pareil ? Je n'ai rien contre le fait que l'on interroge des personnes sur le point de savoir si une législation devrait ou non permettre l'euthanasie.

Ce qui me choque, c'est, d'une part, la manière dont on présente cette dame. Non, elle n'a pas tué son fils, elle a "accompagné sa fin de vie", elle l'a "aidé à mourir". Elle s'offusquait même que la justice l'ait ennuyée. Ainsi donc, dans ce beau pays qu'est la France, cette dame a dignement accompagné la fin de vie de son fils tandis qu'un vieil homme (dont on parle pas mal sur la blogosphère) a assassiné deux jeunes filles (qui venaient le voler, mais bon, passons).

D'autre part, j'ai été particulièrement surprise par le point de vue clairement orienté de l'interview. Le présentateur lui-même employait les mots "progrès" et "avancée" en parlant de l'euthanasie. Comme si tout le monde était d'accord, et qu'on n'attendait plus que les élus nationaux fassent, enfin, leur travail !

Enfin, une brève précision sur l'aspect légal. La loi autorise le malade à refuser les soins. L'interviewée le disait elle-même : la loi aurait pu permettre à son fils de mourir (je déteste cette manière de dire les choses) s'il entrait dans le cadre de cette hypothèse légale.

Autrement dit, une nouvelle législation sur l'euthanasie permettrait de tuer les personnes n'ayant pas forcément besoin de médication, mais étant suffisamment handicapées pour vouloir mourir. Je caricature, mais il me semble qu'on ne croule pas sous le besoin de législation en la matière. Et d'ailleurs, est-ce un progrès ?

Abus de droit et liberté d'expression

J'ai pu lire sur la toile que le procès Zemmour est "le procès de la liberté d'expression". Ce qu'on appelle désormais l'affaire Zemmour est sans aucun doute trop complexe* pour être simplement rapportée à un procès fait à la liberté d'expression, mais cette analyse, même simpliste, permet de se poser une bonne question.

Peut-on abuser de la liberté d'expression ?

Le droit nous enseigne que, depuis un siècle environ, la théorie de l'abus de droit existe, ce qui signifie que l'on peut commettre une faute en usant d'un droit. Le caractère fautif de l'usage du droit concerné réside dans l'intention : le droit a été instrumentalisé pour nuire à autrui.

Cette définition pose bien sûr des problèmes techniques considérables : quand use-t-on légitimement de son droit ? Je passe sur les détails techniques.

Personnellement, je fais partie de ceux qui préfèrent privilégier la liberté d'expression, quitte à entendre des horreurs. C'est la position de Voltaire : je n'aime pas forcément les idées des autres mais j'irais me battre pour qu'ils puissent les exprimer, à l'exceptions d'atteintes comme la calomnie, par exemple. 

De ce point de vue, l'affaire Zemmour (et les autres procès dans ce domaine) paraissent presque ridicules, de même que les lois mémorielles. Saviez-vous que la France reconnaissait officiellement le génocide arménien ? Vous n'êtes peut-être pas d'accord, mais vous n'avez pas le choix. Ces lois, même si elles n'ont semble-t-il aucune application concrète, et qu'elles sont en théorie remplacées par un autre mécanisme, tendent à mettre en place une version officielle de l'histoire, même par petites touches.

Un historien a été condamné à des dommages et intérêts pour avoir oublié le nom d'un inventeur dans un ouvrage d'histoire. On s'éloigne du procès Zemmour, je sais.

Revenons-y : condamner Mr Zemmour serait un véritable pied-de-nez à la liberté d'expression. On peut citer l'affaire des Guignols de l'info, qui concernait aussi la liberté d'expression, et dans laquelle le juge a montré qu'il retenait un seuil de la faute très élevé en la matière. Il n'y avait en l'occurrence pas eu de condamnation faute d'intention de nuire spécialement caractérisée.

D'un autre côté, si j'étais Mr Zemmour, je douterais de mes chances. On ne peut pas dire que j'accroche totalement à son discours sur ce qu'il nomme la bien-pensance, mais si on adopte sa vision du monde politique et médiatique, il y a de quoi s'inquiéter.

En effet, les Guignols de l'info sont connus pour leur "humour canal", leurs parodies gentiment rebelles, qui finalement ne sortent pas trop du politiquement correct. C'est le fruit typique de la rébellion bon enfant de notre époque, comme le chanteur Cali, qui se vante sur les plateaux télévisés d'être hautement rebelle.

La véritable rébellion, telle que l'exprime parfois Mr Zemmour, qui consiste à dire ce que pensent tout bas ceux qui n'ont aucune tribune médiatique, sera-t-elle jugée de la même manière ? Je ne crois pas tellement au "deux poids deux mesures" que dénonce toute une partie de la blogosphère conservatrice, mais je dois avouer que j'ai quelques craintes.

Si Mr Zemmour gagne, ce sera une petite victoire pour la liberté d'expression.

Si Mr Zemmour perd, les français comprendront peut-être qu'il est possible d'être condamné pour une parole anodine, et que la liberté d'expression que beaucoup croient acquise ne l'est jamais vraiment totalement. Au moins aura-t-on la satisfaction d'être infiniment plus anticonformistes et autonomes que les rebelles de pacotille qui suivent le troupeau médiatique en bêlant tous la même chose. C'est un plaisir que je savoure.


* Il y a un régime spécifique pour propos tenus par les invités sur un plateau télévisé, et cela dépend sans doute aussi de la manière dont a été fait le montage, etc. La question est beaucoup plus complexe juridiquement parlant que ce à quoi on veut l'y réduire.