mardi 25 janvier 2011

Euthanasie

J'ai entendu ce matin à la radio le témoignage d'une femme dont je tairais le nom.

Elle était présentée comme une femme ayant, je cite, "aidé son fils à mourir". Elle disait que l'état de son fils lui permettait de vivre longtemps encore, qu'elle n'aurait pas eu la force de l'affamer, et qu'il fallait donc un "acte positif".

Cette dame a très peu épilogué sur le sujet, et la suite de l'interview a été consacrée à son "combat" pour un "progrès" en  la matière, afin que le droit à la mort soit "enfin reconnu". Elle espérait ne pas "devoir attendre trente ans, comme pour l'avortement".

Pourquoi, à l'approche d'un débat sur l'euthanasie au Sénat, nous ressort-on un témoignage pareil ? Je n'ai rien contre le fait que l'on interroge des personnes sur le point de savoir si une législation devrait ou non permettre l'euthanasie.

Ce qui me choque, c'est, d'une part, la manière dont on présente cette dame. Non, elle n'a pas tué son fils, elle a "accompagné sa fin de vie", elle l'a "aidé à mourir". Elle s'offusquait même que la justice l'ait ennuyée. Ainsi donc, dans ce beau pays qu'est la France, cette dame a dignement accompagné la fin de vie de son fils tandis qu'un vieil homme (dont on parle pas mal sur la blogosphère) a assassiné deux jeunes filles (qui venaient le voler, mais bon, passons).

D'autre part, j'ai été particulièrement surprise par le point de vue clairement orienté de l'interview. Le présentateur lui-même employait les mots "progrès" et "avancée" en parlant de l'euthanasie. Comme si tout le monde était d'accord, et qu'on n'attendait plus que les élus nationaux fassent, enfin, leur travail !

Enfin, une brève précision sur l'aspect légal. La loi autorise le malade à refuser les soins. L'interviewée le disait elle-même : la loi aurait pu permettre à son fils de mourir (je déteste cette manière de dire les choses) s'il entrait dans le cadre de cette hypothèse légale.

Autrement dit, une nouvelle législation sur l'euthanasie permettrait de tuer les personnes n'ayant pas forcément besoin de médication, mais étant suffisamment handicapées pour vouloir mourir. Je caricature, mais il me semble qu'on ne croule pas sous le besoin de législation en la matière. Et d'ailleurs, est-ce un progrès ?

Abus de droit et liberté d'expression

J'ai pu lire sur la toile que le procès Zemmour est "le procès de la liberté d'expression". Ce qu'on appelle désormais l'affaire Zemmour est sans aucun doute trop complexe* pour être simplement rapportée à un procès fait à la liberté d'expression, mais cette analyse, même simpliste, permet de se poser une bonne question.

Peut-on abuser de la liberté d'expression ?

Le droit nous enseigne que, depuis un siècle environ, la théorie de l'abus de droit existe, ce qui signifie que l'on peut commettre une faute en usant d'un droit. Le caractère fautif de l'usage du droit concerné réside dans l'intention : le droit a été instrumentalisé pour nuire à autrui.

Cette définition pose bien sûr des problèmes techniques considérables : quand use-t-on légitimement de son droit ? Je passe sur les détails techniques.

Personnellement, je fais partie de ceux qui préfèrent privilégier la liberté d'expression, quitte à entendre des horreurs. C'est la position de Voltaire : je n'aime pas forcément les idées des autres mais j'irais me battre pour qu'ils puissent les exprimer, à l'exceptions d'atteintes comme la calomnie, par exemple. 

De ce point de vue, l'affaire Zemmour (et les autres procès dans ce domaine) paraissent presque ridicules, de même que les lois mémorielles. Saviez-vous que la France reconnaissait officiellement le génocide arménien ? Vous n'êtes peut-être pas d'accord, mais vous n'avez pas le choix. Ces lois, même si elles n'ont semble-t-il aucune application concrète, et qu'elles sont en théorie remplacées par un autre mécanisme, tendent à mettre en place une version officielle de l'histoire, même par petites touches.

Un historien a été condamné à des dommages et intérêts pour avoir oublié le nom d'un inventeur dans un ouvrage d'histoire. On s'éloigne du procès Zemmour, je sais.

Revenons-y : condamner Mr Zemmour serait un véritable pied-de-nez à la liberté d'expression. On peut citer l'affaire des Guignols de l'info, qui concernait aussi la liberté d'expression, et dans laquelle le juge a montré qu'il retenait un seuil de la faute très élevé en la matière. Il n'y avait en l'occurrence pas eu de condamnation faute d'intention de nuire spécialement caractérisée.

D'un autre côté, si j'étais Mr Zemmour, je douterais de mes chances. On ne peut pas dire que j'accroche totalement à son discours sur ce qu'il nomme la bien-pensance, mais si on adopte sa vision du monde politique et médiatique, il y a de quoi s'inquiéter.

En effet, les Guignols de l'info sont connus pour leur "humour canal", leurs parodies gentiment rebelles, qui finalement ne sortent pas trop du politiquement correct. C'est le fruit typique de la rébellion bon enfant de notre époque, comme le chanteur Cali, qui se vante sur les plateaux télévisés d'être hautement rebelle.

La véritable rébellion, telle que l'exprime parfois Mr Zemmour, qui consiste à dire ce que pensent tout bas ceux qui n'ont aucune tribune médiatique, sera-t-elle jugée de la même manière ? Je ne crois pas tellement au "deux poids deux mesures" que dénonce toute une partie de la blogosphère conservatrice, mais je dois avouer que j'ai quelques craintes.

Si Mr Zemmour gagne, ce sera une petite victoire pour la liberté d'expression.

Si Mr Zemmour perd, les français comprendront peut-être qu'il est possible d'être condamné pour une parole anodine, et que la liberté d'expression que beaucoup croient acquise ne l'est jamais vraiment totalement. Au moins aura-t-on la satisfaction d'être infiniment plus anticonformistes et autonomes que les rebelles de pacotille qui suivent le troupeau médiatique en bêlant tous la même chose. C'est un plaisir que je savoure.


* Il y a un régime spécifique pour propos tenus par les invités sur un plateau télévisé, et cela dépend sans doute aussi de la manière dont a été fait le montage, etc. La question est beaucoup plus complexe juridiquement parlant que ce à quoi on veut l'y réduire.